samedi 9 juin 2012

GRANDIR SANS PERE

Précédemment, je vous ai dit que j'avais grandit seule avec ma maman. Et j'avais précisé que je vous raconterai pourquoi, plus tard. Le moment est venu. J'ai besoin de parler de ce vide qui a toujours été présent dans mon coeur. De cette moitié d'arbre généalogique que jamais je ne remplirai. Quand on me demande mes origines, je ne peux même pas répondre entièrement. Bien sûr, j'ai une très belle vie, même sans personne à qui dire Papa, mais jamais je ne pourrai cesser d'imaginer mon passé si j'en avais eu un. Et quand j'entends de très belles chansons telles que Inaya, de Soprano, ou Avoir une Fille, chantée par El Chato pour la comédie musicale Roméo et Juliette... Je ferme les yeux et pleure intérieurement. Aucun homme aura pensé de telles choses de moi.

Ma maman était mariée, avec un homme d'origine polonaise. Pas très beau, si vous voulez mon avis. Mais elle, elle était follement amoureuse. Tellement amoureuse qu'elle lui a pardonné l'impardonnable. Je ne parle pas de maîtresse, mais j'aurai préféré. Non, malgré le fait que ma maman soit déjà handicapée, cet homme immonde a osé la frapper. Fragile comme elle était, elle se cassait souvent quelque chose à cause de lui. Elle a par exemple assisté au mariage de son frère avec les dix doigts cassés et plâtrés. Mais elle se disait que c'était sa faute à elle, qu'elle avait fait des choses qu'il ne fallait pas. Et le cauchemar continuait. Il l'a même obligée à euthanasier son petit chien qu'elle aimait tant. Il la défendait, il le mordait et lui grognait dessus tout le temps. Il sera mort d'amour pour sa maîtresse. J'aurai pu être la fille de cette homme... Mais il était stérile, bien heureusement pour moi. Alors ils ont contacté la banque de sperme. Et ma maman a été inséminée. Et je suis née. Ça a été comme un électrochoc pour ma maman : elle devait me protéger, ne pas me laisser dans les mains de ce démon. Il était à l'hôpital psychiatrique quand je suis née, je crois. Bref, elle a demandé le divorce. Il aurait pu se battre pour m'avoir, j'étais quand même légalement sa fille. Mais ses parents l'ont convaincu de ne pas le faire. Pas une seule fois ils ont daigné vouloir me voir. J'étais indigne d'eux. Alors il a signé un papier à ma maman, devant un juge, déclarant qu'il abandonnait ses droits parentaux. Il n'y avait plus que ma maman, et moi.




Je suis peut-être triste de ne pas avoir de père, je suis bien heureuse de ne pas l'avoir lui. Il a battu ma maman quand elle était enceinte de moi, vous savez... Un embryon ressent beaucoup de choses. Et bien que ça n'a pas été prouvé scientifiquement, je sais qu'on a des souvenirs très enfouis de cette période. Depuis toujours, j'ai une peur atroce dès qu'on lève la main devant moi. Quant à mon père biologique, les inséminations artificielle avec un donneur externe sont anonymes. Je ne saurai jamais rien de lui. Il n'y a aucun moyen de savoir ne serait-ce que mes origines. Je m'en fiche de lui, en fait. Il ne serait jamais mon père, même si je le rencontrais. Ce qui m'importerait c'est de compléter un peu cet arbre généalogique, même si je ne rajoutais que des nationalités. Et de savoir combien j'ai de demi-frères et soeurs aussi... Pour une fille unique, rien que de savoir qu'on a des frères et soeurs quelque part, c'est merveilleux. Surtout pour moi qui ai le syndrome de la famille nombreuse.

Mais encore une fois, même sans père j'ai une vie très heureuse. Il me manque juste une certaine figure paternelle. D'où ce besoin constant qu'un homme s'occupe de moi, ce besoin d'affection que j'ai évoqué dans l'article sur mon musicien. Quant à ma maman... Elle n'a jamais su retrouver quelqu'un. Mais son amour inconditionnel pour moi a joué là-dedans. Il n'y avait pas assez de place dans son coeur pour quelqu'un d'autre. Elle est restée traumatisée par son expérience, ce qui est normal, mais elle est heureuse d'avoir eu la force de le quitter. Je suis fière de ma maman, et j'espère que, quiconque vous soyez, si vous connaissez cet enfer, vous trouverez la force de vous battre à votre tour...


1 commentaire:

  1. C'est en effet un tres beau texte, je ne trouve pas les mots. En tous cas c'est un beau temoignage d'amour maternel.

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